C’est à en avoir la nausée: depuis dimanche soir, on n’entend parler que de ça. Vous l’avez compris, il s’agit de ce malheureux GP de Belgique 2021 qui aurait dû être une grande fête du sport automobile et qui s’est résumé à un sketch qui n’a fait rire personne mais qui en a fait boire la tasse à plus d’un. Évidemment, dès qu’un événement suscitant une vague d’émotion survient, la Toile (et notamment les réseaux sociaux) se transforme en véritable café du commerce où tout le monde endosse avec plus moins de maladresse la casquette d’expert et y va de son avis sur la question. Des avis nourris par les témoignages d’anciens pilotes qui chantent en choeur la même rengaine du « A notre époque, on roulait par tous les temps, même les pires ». C’est bien connu: un mouton bêle et le reste du troupeau bêle avec.
J’ai envie de répondre à tout ce petit monde: Avez-vous imaginé une seule seconde ce que c’était que de piloter une monoplace sous les hallebardes, à l’aveuglette, avec une voiture dégageant des gerbes d’eau juste devant vous ? Avez-vous pensé une seule seconde qu’une F1 pouvait facilement partir en glissade à cause de l’eau stagnante et des rivières causées en cas de pluie, l’autre cancer avec les dégagements asphaltés que devra éradiquer la nouvelle direction du Circuit de Spa-Francorchamps ? Avez-vous écouté les paroles de Charles Leclerc qui a perdu son parrain et mentor par une météo similaire il y a 7 ans à Suzuka ? Bien sûr, les pilotes se doivent d’être des chevaliers des temps modernes et ils le seront toujours. Mais s’il y avait eu un grave accident pendant les Grands Prix, vous qui chargiez la direction de course et la pseudo-couardise des pilotes, vous auriez été les premiers à retourner votre veste et à crier au scandale que la course aurait dû être interrompue. D’ailleurs, n’avez-vous pas hurlé au loup avec Sebastian Vettel quand Lando Norris est sorti au sommet du Raidillon lors des qualifications ? Cessez de dire qu’on ne peut plus se faire mal en sport automobile. C’est faux. Il y a deux ans, un pilote de F2 a perdu la vie au sommet du Raidillon dans le cadre du Grand Prix. La Mort n’a pas encore vu son laisser-passer sur les circuits révoqué. Bien au chaud dans son local, la direction de course a voulu éviter ce scénario décuplé par une météo archi-maussade.
Car il faut vivre avec son temps, qu’on le veuille ou non. Notre société est devenue bipolaire. Elle cherche sans cesse à atteindre l’utopique risque zéro mais paradoxalement, elle se délecte de la moindre goutte de sang dans un voyeurisme qui n’a fait que croître avec l’avènement des réseaux sociaux. Voir le Grand Prix de Belgique prendre l’eau en a fait rire plus d’un. Allez jeter un oeil sur Twitter et voyez la marée d’anti-voitures vomir sa bile. Mais imaginez le pataquès qu’une série d’accidents plus ou moins importants aurait causé. A l’heure où l’auto phobie ne cesse de gagner du terrain et qu’aimer la course automobile est aujourd’hui mal vu par une partie de l’opinion, un gros accident avec intervention des secours sur l’événement automobile le plus médiatisé de l’année aurait été une publicité bien pire que ce que nous avons connu dimanche après-midi.
Bien sûr, voir 75.000 spectateurs venir choper un rhume le long du circuit pour les couilles du Pape (excusez-moi d’être impoli) est malheureux et on espère qu’ils seront remboursés ou auront droit à une entrée au Grand Prix 2022 car ils ont vécu pire scénario que ce qui s’est passé à Indianapolis en 2005. Mais que vaut une vie humaine par rapport à 75.000 billets ? On ne peut pas en vouloir à la direction de course de ne pas avoir voulu se mouiller. La seule chose pour laquelle on peut lui adresser un grief, c’est de nous avoir fait miroiter pendant près de 4 heures. On aurait dû être fixé immédiatement: soit on roule, on ne roule pas. Cela nous aurait évité ce podium fantoche même si nous étions heureux pour George Russell qui se voyait ainsi récompensé pour son exploit des qualifications.
Bref, merci de passer à autre chose et rendez-vous à Zandvoort, sur place et derrière vos écrans, pour oublier le cauchemar spadois. Place au sport!
Martin Businaro