Il y a des performances belges qui nous rendent particulièrement fières. Celle de Bertrand Baguette au pays du Soleil Levant le week-end dernier fait partie de celles-là. Le pilote de Thimister-Clermont a rejoint la liste très select des “gaijins” à avoir triomphé en Super GT, championnat le plus populaire et le plus relevé du Japon.
Et pour rajouter un peu plus de prestige, Bertrand a remporté les très prisées 1000 Km de Suzuka en compagnie de Kosuke Matsuura sur une Honda NSX-GT. Mieux, le tandem belgo-nippon a offert au Nakajima Racing et à Dunlop leur première victoire dans la catégorie-reine GT500 depuis… 2007. Depuis le Japon où il vit une partie de l’année, Bertrand est revenu sur ce succès qui met un terme à quatre saisons de disette.
Ta victoire à Suzuka est ta première depuis ton arrivée en Super GT en 2014. Quelle délivrance !
« C’en est effectivement une. Je dois admettre que cette première victoire a mis plus de temps à arriver que prévu. Je n’ai pas roulé dans des conditions faciles depuis le début de mon programme en raison de l’utilisation des Dunlop. Les pneus fournis ne sont en soi pas mauvais, mais nous sommes les seuls à rouler avec. Avec la guerre des manufacturiers qui fait rage, nous ne pouvons pas comparer nos datas avec celles d’un autre team, a contrario de Michelin, Bridgestone et Yokohama qui disposent d’au moins deux équipes. Cela signifie que si nous sommes perdus, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes pour rectifier le tir. Cette victoire à Suzuka a de surcroît été cherchée avec la manière puisque nous étions tout simplement parmi les plus rapides ce jour-là. »
En partant depuis la 4e place sur la grille, sentais-tu qu’il y avait un coup à jouer ?
« Nous n’étions néanmoins pas satisfaits à l’issue des essais libres. Mais les ingénieurs de Honda, Nakajima Racing et Dunlop ont fait de l’excellent boulot pour améliorer la voiture. Je me suis chargé de faire la Q1, et j’ai senti que la voiture se comportait à merveille. Nous sommes donc passés en Q2, et Kosuke est parvenu à nous hisser en quatrième place. Malheureusement, il a plu dimanche matin, ce qui fait que nous n’avons pu faire des longs runs que lors du Warm Up avec des vieux pneus. Mais nous savions que nous disposions d’un bon package pour la course. »
A partir de quand as-tu senti que la victoire te tendait les bras ?
« Lors de mon dernier relais, j’étais 2e et je suis parvenu à doubler la Honda n°17 du Keihin Real Racing qui est chaussée en Bridgestone. J’ai d’abord pensé qu’elle allait revenir, mais je suis parvenu à maintenir un écart conséquent. Nous sommes rentrés un ou deux tours avant eux. Lors de son tour de rentrée aux stands, la n°17 a eu une crevaison et a fini dans les pneus. Notre autre rivale était la Nissan n°23 Nismo qui avait alors 25 secondes de retard. C’est à partir de ce moment que nous nous sommes dit qu’il n’y avait plus qu’à gérer. »
Et Honda voulait surement marquer le coup pour la dernière édition des 1000km de Suzuka…
« Honda, mais aussi Nissan et Lexus convoitaient cette course. En Super GT, les 1000km de Suzuka sont l’équivalent des 24 heures de Spa-Francorchamps pour le Blancpain ou des 24 heures du Mans pour le FIA WEC. Avant le week-end, nous ne pensions pas que notre voiture allait gagner. Le Nakajima Racing n’a jamais fait mieux qu’une 3e place depuis que je suis arrivé chez eux en 2014. Honda était donc ravie que nous gagnions. Remporter les 1000km est la plus belle des façons de mettre fin à une longue période de frustration pour l’équipe puisqu’elle n’avait plus gagné depuis 10 ans. »
Cette victoire est peut-être pour toi une carte de visite pour un futur programme en GT3 avec la nouvelle NSX…
« Ma priorité demeure le Super GT dans la catégorie GT500 qui est un monde à part en sport automobile. Actuellement, je ne suis pas concerné par un programme en GT3, et ce n’est vraiment au centre des discussions. Mais si Honda veut que je roule sur une NSX GT3 ou que des écuries clientes veulent faire appel à des pilotes officiels pour un autre championnat, je ne serai pas contre d’y participer en parallèle du Super GT. »
Depuis ton arrivée en 2014, tu es vraiment tombé amoureux du Japon…
« Plus les années passent et plus je me plais à vivre et courir au Japon. Certes, je ne dis pas non à rouler plus en Europe à l’avenir, mais je suis fan de la mentalité, du respect et de la gentillesse qui règnent dans ce pays. Je me plais donc énormément là-bas. »
As-tu été bien accepté par les Japonais ?
« Clairement ! Les fans nippons sont les meilleurs fans au monde. Je considère le Nakajima Racing comme ma famille japonaise. Le patron du team, l’ex-pilote de F1 Satoru Nakajima, mais aussi son fils cadet Daisuke m’ont beaucoup encadré depuis que je suis arrivé chez eux en 2014. Ils m’ont appris toutes les bases nécessaires pour faire du bon travail en Super GT. J’ai été également très bien accueilli par Honda. Gagner les 1000km de Suzuka est pour moi une manière de les remercier pour tout ce qu’ils ont fait pour moi. »
Le sport automobile japonais est-il complètement différent de son homologue occidental ?
« Ce sont deux approches totalement différentes. A l’inverse de ce qui se fait en Occident, il n’y a pas de beaux camions ou des gros motorhomes au Japon. Tout le budget des constructeurs va dans la voiture et son développement. Les pilotes sont très bien considérés et tous payés pour rouler. C’est quelque chose qui se perd en Europe où on fait plutôt les choses à l’envers. C’est pour cela que le Super GT est un championnat extraordinaire. Pour moi, c’est comme cela que le sport automobile devrait être partout ailleurs. Je resterai volontiers au Japon pendant plusieurs années si on m’en donne l’opportunité. »