Wolfgang Reip, ou quand un handicap brise une carrière

Circuit Circuit International Martin
Il manque à beaucoup. Non seulement il avait un bon coup de volant mais il est en plus hyper sympa. Wolfgang Reip est une belle histoire à lui tout seul, lui qui a été révélé par le simracing pour ensuite se hisser vers les hautes sphères du GT, révélé par la Nissan GT Academy qu’il a remportée en 2012.
Mais depuis fin 2019, Wolfie est absent des circuits. Le gaillard de Grez-Doiceau a été contraint de stopper sa carrière par la force des choses. Non pas parce qu’il n’a pas de budget mais parce qu’il est handicapé. Tout simplement. Il souffre d’souffre d’hyperacousie sévère et d’acouphènes invalidants suite à plusieurs traumas sonores au cours de sa carrière de pilote, le premier remontant en 2014 quand il a roulé dans une monoplace sur un ovale alors qu’il n’avait pas de bouchons. Résultat, le monde de Reip n’est plus que silence. Chaque son un peu trop fort ou trop aigu provoque chez lui des douleurs. C’est une pathologie rare et peu connue, d’où le manque de fonds et de recherche sur le sujet.

Dans un texte poignant, Wolfgang s’est confié sur son handicap, dans l’espoir que ça incite les gens à se protéger les oreilles au maximum. Le gaillard avait encore toute sa carrière devant lui avant de devoir raccrocher le casque par le force des choses.
“Il y a trop peu de prévention et l’ouïe est notre sens le plus fragile. J’ai toujours cru qu’au pire, on perdait de l’acuité auditive un peu plus tôt, dans l’absolu rien de dramatique, et c’est en effet ce qui arrive à la plupart des gens, mais on peut tout aussi bien développer des acouphènes permanents, qui peuvent ou non s’intensifier, et en fonction de leur volume ça peut déjà être très difficile à vivre, et enfin, vous pouvez en plus développer de l’hyperacousie à différents degré, de léger, à sévère avec ou sans acouphènes, mais dans 80% des cas, avec. Léger, c’était mon cas de 2014 à début 2020.
Il n’aura fallu qu’un seul jour d’essai en monoplace où je n’avais pas mis mes bouchons parce que nous n’avions pas la radio ce jour là, et je pensais donc ne pas en avoir besoin, (voyez à quel point je n’avais aucune conscience de leur rôle protecteur et pas juste écouteur… et aucune conscience du danger). J’ai donc pris dans les oreilles plus de 115db voir 120db avec le bruit du vent (en plus avec une très longue partie à fond, c’était un oval) pendant plusieurs heures et le soir même, en rentrant à l’hôtel, mes oreilles bourdonnaient très fort, sifflaient.. Je n’avais jamais eu ça de ma vie. Je me suis dis que ça passerait pendant la nuit, comme beaucoup après une sortie en boîte de nuit, mais ce ne fut pas le cas. Dans les jours qui ont suivi les bourdonnements ont disparus, j’ai gardé à gauche un sifflement très aigu et à droite un soufflement. Mais c’était léger et je m’y suis vite habitué. 2/3 semaines plus tard j’ai commencé à avoir les premiers symptômes d’hyperacousie, je l’ai remarqué pour la première fois sur un temps de midi, au restaurant, je supportais mal les bruits de couverts, les enfants qui criaient, et ces symptômes se sont amplifiés, je n’avais aucune idée de ce qui était en train de se passer.
J’avais extrêmement peur pour ma carrière, j’avais encore tellement de rêves. Les ORL étaient impuissants. Les “gênes” se sont rapidement transformées en oreilles qui brulent, par exemple après l’avion, après avoir roulé, au resto, au cinéma etc…
A partir de ce moment-là j’ai commencé à me protéger les oreilles dès qu’une séance passait au vert quand j’étais sur un circuit, systématiquement, à toutes les courses et séances d’essais. Mais aussi en soirée, au cinéma, en avion, en voiture sur l’autoroute et je n’écoutais presque plus de musique au début etc Et j’ai eu une seconde chance, après 1 an et demi environ, ça allait mieux, j’étais pas guéri, mais ça allait bcp mieux et ce malgré ma carrière. Je pouvais vivre relativement normalement, modulo une protection dans les endroits bruyants.
Reprenant confiance, je sortais un peu plus en soirée, et malgré les bouchons, je sentais que j’avais des rechutes dans les jours suivants, mais ça finissait toujours par passer. Néanmoins, au fil des années, à chaque nouvelle “exagération” les choses s’aggravaient un peu. En 2017 alors que le deal était signé pour faire les 24h de Zolder en Norma (prototype) avec une option pour plus si ça se passait, j’ai dû déclarer forfait. En effet, lors de ma première journée de test qui sportivement c’était très bien passée, j’ai très vite compris que ça n’allait pas être possible, la voiture était beaucoup trop bruyante en plus du vent (voiture ouverte). Après cette journée, j’ai senti une grosse rechute, impossible d’imaginer faire les 24h, ça aurait été un suicide auditif.
Pour la petite anecdote, j’ai très mal vécu cette expérience parce que je voulais me relancer et ça allait m’ouvrir des opportunités, j’avais adoré la voiture et on allait clairement jouer la victoire, mais un des pilotes qui allait être mon équipier a ensuite balancé des rumeurs comment dire… Pas très sympas, comme quoi j’avais abandonné parce que j’avais peur qu’il soit plus rapide etc un gros con et ça n’aurait certainement pas été le cas haha
Lors de mes dernières courses, les ingénieurs et mécaniciens doivent se souvenir que je demandais tout le temps de baisser le volume de la radio qui était souvent extrêmement fort pour que ce soit clairement audible avec les bruits de la voiture, mais ça me déchirait les oreilles.
Et puis pour une raison pas clairement définie, à partir de début 2020, ce fut la descente aux enfers.
Je ne vais pas ré-écrire mon post précédent mais en gros, je dois rester dans le silence, je ne peux plus mettre de son sur les appareils électroniques, fini les soirées entre potes, la ville, la musique, se balader tranquillement sans bouchons, se doucher sans casque anti bruit, parler à voix normal (obligé de chuchoter) etc etc Je suis déjà content d’être indépendant et de réussir à aller faire mes courses au magasin avec bouchons et casque anti bruit. Rajouté à ça j’ai des acouphènes désormais très puissants, à des fréquences en veux-tu en voilà. Un concert personnalisé permanent.
Le sens de l’ouïe n’est pas conçu pour la vie moderne. L’évolution n’avait pas prévu qu’on allait se foutre des écouteurs dans les oreilles, être capable d’amplifier le son et inventer toute sorte de machines qui font plus de bruit les unes que les autres. Biologiquement parlant, on est fait pour entendre les bruits de la nature, une sacrée différence tout de même…. Donc en théorie, ces pathologies ne devraient pas arriver. C’est pas que nous sommes mal fait, c’est que nous avons complètement négligé nos limites biologiques.
L’oreille humaine se dégrade ou à cause d’un son soudain très fort, ou à force d’expositions prolongées à des sons forts… Chez moi c’était un mélange des deux.
A partir de plus de 8h d’exposition par 24h à un volume de 80db, on endommage ses oreilles, ensuite on divise le temps maximum avant dommage par deux tous les 3 Décibels, l’échelle étant logarithmique, tous les 3 décibels la puissance est doublée, donc 83db, plus que 4h, 86 db, plus que 2h, à 101 Décibel, vous endommagez irréversiblement vos oreilles après 3 minutes. Oui oui, et on y est très vite, un resto bruyant c’est 90db, boîte de nuit souvent au dessus de 100… Le bruit du vent dans un casque est juste hallucinant, tous les motards DOIVENT mettre des bouchons, et les pilotes de voitures aussi a fortiori ouvertes mais fermées aussi. A 100kmh le bruit mesuré pour les meilleurs casques moto est de 100Db !!! Donc imaginez à 200kmh…. ou même 300, c’est dommage immédiat.
Prenez l’habitude de mesurer l’ambiance sonore avec votre téléphone, protégez vous les oreilles dès que ça dépasse les 90db, vous échapperez au mieux à une perte d’audition, au pire à ce que j’ai. Et protégez-vous systématiquement en moto, en karting 2-temps, en boîte, dans les bars avec musiques fortes, sur les circuits etc…
Pour faire un don pour que la recherche avance pour trouver un traitement, c’est par ici: https://www.facebook.com/donate/4993540040713478/ Peu importe le montant, ce sont les rivières qui font les grands fleuves.”
Tu nous manques, Wolf. Mais la médecine avance à grands pas et on espère que d’ici quelques années, un remède existera pour te soigner afin que tu puisses revenir et achever ce qui n’a pu être fait. On pense fort à toi, l’ami…
M.B